L’archéologie aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois

Pour la première fois sans doute depuis leur création en 1998 à l’initiative de Jack Lang, alors député-maire de Blois, les Rendez-vous de l’Histoire de Blois, pour leur 15ème édition, ont accueilli des archéologues, comme le montre le programme général : http://www.rdv-histoire.com/

Ces Rendez-vous ne drainent pas moins de 25.000 personnes, qui assistent pendant quatre jours à plusieurs dizaines de tables rondes, colloques, débats et présentation d’ouvrages répartis entre plusieurs dizaines de lieux, sans compter un Salon du Livre qui réunissait près de 200 maisons d’édition en histoire, preuve d’un dynamisme réconfortant quand on sait les difficultés que connaît actuellement l’édition en sciences humaines. Un important relais médiatique était assuré, notamment par France Culture et France Inter.

A l’instar des historiens, les géographes disposent depuis 1990, chaque début de mois d’octobre, du Festival international de géographie de Saint Dié dans les Vosges, un lieu qui pouvait paraître en ses débuts tout aussi périphérique, sinon improbable, que Blois, et devenu tout autant incontournable pour cette discipline. Il est vrai que, à Blois en particulier, l’assistance à certains colloques ou débats est reconnue pour les enseignants dans le cadre de leur formation permanente.

On ne peut que regretter l’absence d’une manifestation similaire dans le domaine de l’archéologie. Certes, il existe plusieurs festivals du film archéologique, notamment à Bordeaux, Amiens et Besançon, qui bénéficient d’une réelle audience et dont les prix décernés sont appréciés et pertinents. La création d’un festival d’archéologie à Privas, en Ardèche, à la fin des années 2000 et que l’Inrap avait soutenue, n’a jamais pris, malgré des débuts encourageants, l’ampleur qui aurait été souhaitable, sans doute faute d’ambitions et de relais suffisants au niveau local.

Le thème choisi pour 2012 à Blois étant « Les paysans », l’invitation d’archéologues était particulièrement bien venue, puisque leur apport pour les périodes anciennes est évidemment indispensable, d’autant que les découvertes archéologiques récentes ont entièrement renouvelé nos connaissances dans ce domaine comme dans d’autres. Cela allait de soi pour l’origine même de l’agriculture et de l’élevage, avec le débat que j’y ai animé avec Jean Guilaine, Danièle Lavallée, Eric Huysecom et Laurent Nespoulous, et qu’ont suivi plus de 350 auditeurs. Mais l’archéologie était aussi partie prenante du débat, soutenu par la revue L’Histoire,  sur « Les grandes révolutions alimentaires », animé par Bruno Laurioux, Philippe Meyzie, Jean-Pierre Poulain et moi-même ; ou encore du débat sur les approches en termes d’ « histoire globale », organisé par Laurent Testot, avec Christian Grataloup, Vincent Capdepuy, Philippe Norel et moi-même, et soutenu par la revue Sciences Humaines et son blog « histoire globale » (http://blogs.histoireglobale.com/). Le débat sur « Qu’est-ce qu’un village ? », avec Laurent Feller, Antoine Follain, Philippe Madeline, Joseph Morsel et Elisabeth Zadora, s’appuyait explicitement sur le bouleversement des connaissances dû aux vingt dernières années d’archéologie préventive. Mentionnons encore le débat sur l’archéologie nazie avec Laurent Olivier, la conférence de Yves Desfossés sur l’archéologie de la Grande Guerre et celle de Michel Bouvier sur « Le vin, une longue histoire ».

L’un des débats-phare, celui animé par Jean-Noël Jeanneney, était consacré à « Au regard de l’histoire : l’actualité vue par les historiens, des printemps arabes à l’élection présidentielle ». Il réunissait une dizaine d’historiens de renom, dont Pierre-François Souyri et Maurice Sartre, ces derniers particulièrement au fait de l’archéologie dans leurs champs respectifs.

Particulièrement notable était, pour la première fois également, la présence de l’Inrap en tant que tel. Il proposait un débat sur « A la table des rois et des seigneurs au Moyen Âge », avec la participation de Catherine Chauveau, Benoît Clavel, Patrick Rambourg, Benjamin Saint-Jean-Vitus et Fabienne Ravoire – tandis que cette dernière était également sollicitée pour un autre débat sur « Festins de la Renaissance : les objets et les manières de table ». De fait, le château royal de Blois accueillait dans le même temps une exposition sur « Festins de la Renaissance. Cuisine et trésors de table », qui avait bénéficié des récentes découvertes archéologiques, tandis qu’un festin « Renaissance » était organisé en vraie grandeur le 19 octobre au soir pour plusieurs centaines de personnes, dont une partie en costume – festin il est vrai quelque peu réinterprété par commodité, quant à sa véracité gastronomique.

Tandis qu’un numéro spécial d’Archéopages, la revue de l’Inrap, était consacré au thème des Rendez-vous sous le titre de « Campagnes », l’Inrap avait aussi, selon la formule officielle, « carte blanche » pour une Journée d’étude sur « Le monde rural vu par l’archéologie : de l’âge du Fer aux temps modernes », avec une dizaine d’intervenants de l’Inrap introduits par Jean-Paul Jacob : http://www.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/Les-derniers-communiques/Communiques-nationaux/p-15134-L-Inrap-et-le-lointain-passe-paysan-de-la-France-aux-Rendez-vous-de-l-Histoire-de-Blois.htm. Cette problématique était évidemment fondamentale, en elle-même et par rapport au thème de Blois de cette année. De fait, 150 personnes se pressaient devant la porte à l’ouverture de cette journée. Pourtant les organisateurs ne lui avait attribué qu’une salle de … 32 places, dont les pompiers de service surveillèrent jalousement la jauge. On eut donc l’impression, devant ce symptôme, que l’archéologie était toujours, suivant sa définition du XIXème siècle, « une discipline auxiliaire de l’histoire ».

Gardons pourtant de ces Rendez-vous de Blois le souvenir positif de la bouteille à moitié pleine, et employons nous à renforcer ce dialogue bien entamé avec nos collègues historiennes et historiens !

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