DEMOULE (J.-P.) 2012 / On a retrouvé l’histoire de France. Comment l’archéologie raconte notre passé. Robert Laffont.
C’est fou le nombre de clichés que nous continuons de véhiculer à propos de l’histoire de France. Ainsi : nos ancêtres sont les Gaulois, d’ailleurs de pittoresques barbares, heureusement que les Romains sont passés par là… Le Moyen Âge n’est qu’une sorte de longue nuit où il ne se serait pas passé grand-chose… Clovis fut un acteur majeur de l’identité de la France… Les Barbares nous ont envahis… Et tout à l’avenant.
Or, comme le dévoile ce livre avec maestria, les fouilles menées surtout depuis vingt ans nous prouvent à quel point le passé sur le territoire que nous appelons France n’a rien à voir avec ce que continuent de raconter les leçons encore préconisées par l’Éducation nationale. Des leçons dépassées qui traduisent chez nombre de responsables (de programmes, voire politiques) « au mieux une inculture, au pire des a priori idéologiques accablants ». Regrettable : la richesse de ces fouilles qui apparaissent ici dans toute leur multiplicité n’est montrée que ponctuellement à la télévision, à destination du grand public, et leur sens profond n’est pas toujours explicité.
C’est donc à un décapage vigoureux que se livre, non sans humour, Jean-Paul Demoule, qui fut pendant près de dix ans à la tête de l’institut majeur de fouilles en activité sur notre territoire, l’Inrap, invitant son lecteur à reprendre le fil de l’histoire réelle, tout en en dénonçant les manipulations. Audacieux, il évoque d’emblée la préhistoire quand les premiers immigrants semblent déjà arrivés d’Afrique sur notre territoire actuel (vers Béziers). Ensuite, nous allons rencontrer les Homo sapiens, créateurs d’art dans les grottes ornées il y a 35 000 ans, les « colons du Moyen-Orient » apportant l’agriculture et l’élevage il y a environ 7 800 ans, les Gaulois experts dans la métallurgie du fer, les Romains et… des Barbares moins barbares que leur nom ne continue de le suggérer ! Sans oublier de revisiter les modes de vie plus proches de nous, au Moyen Âge, à la Renaissance et jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, selon les couches de la société et ses membres très divers.
L’archéologie nous raconte une nouvelle histoire de France, concrète et argumentée, et non sa reconstruction idéologique poussiéreuse, voire dangereuse, remontant au XIXe siècle et à la IIIe République.