De l’État, du droit au blasphème et des boucs émissaires

Sans titre

Monument au chevalier de la Barre à Abbeville vandalisé par un groupuscule intégriste

Les assassinats politiques et religieux commis à Paris les 7, 8 et 9 janvier 2015 ont fait réémerger au grand jour au moins trois interrogations historiques essentielles mais désagréables – que la société française essayait jusque-là de se dissimuler, du moins dans les discours qu’elle se tenait sur elle-même, au sujet respectivement : de la nation comme mythe nécessaire ; de la religion comme aliénation ; et de l’usage des boucs émissaires comme solution. Si historiens et archéologues peuvent servir à quelque chose, c’est aussi de replacer ces interrogations dans leur continuité sur la longue durée – interrogations qui concernent également leurs méthodes et leurs pratiques, comme le rappellent avec régularité les historiens du Comité de Vigilance face aux Usages Publics de l’Histoire : http://cvuh.blogspot.fr/2015/02/les-impenses-de-la-republique.html).

La première interrogation porte sur la nature de l’État-nation. Officiellement, depuis la Révolution française et le Romantisme, une nation est une « communauté de citoyens », un « plébiscite de tous les jours » pour reprendre Renan. Mais pour d’autres, « l’État étant né du besoin de tenir en bride les antagonismes de classe, mais étant né en même temps au milieu du conflit de ces classes, il est en général l’État de la classe la plus puissante, de celle qui a la domination économique, laquelle, par son moyen, devient aussi classe politiquement dominante et ainsi acquiert de nouveaux moyens d’assujettir et d’exploiter la classe opprimée ». Friedrich Engels a-t-il tant vieilli que cela, cent trente ans plus tard ? Lorsque l’on parle d’apartheid (dans une version linguistique néerlando-sud-africaine) ou plus souvent de ghetto (dans une version judéo-vénitienne), est-on si loin de cette « vieille » définition ? S’agissant de quartiers où le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans et la sortie du système scolaire sans aucun diplôme est le double de la moyenne nationale.

La triste originalité du moment présent, du moins pour la nation française, est sans doute que le mécontentement social penche paradoxalement vers l’extrême droite, pourtant le plus ferme garant de l’ordre établi comme l’avait montré le soutien à Hitler des milieux d’affaires allemands – et non vers l’extrême gauche. Le communisme réel a certes été déconsidéré durablement par le naufrage économique mais surtout éthique des pays dits socialistes de l’Europe orientale. Mais les nations de l’Europe méditerranéenne montrent désormais que l’extrême droite n’est pas la seule issue, sans que cela semble susciter de réflexions du côté de la gauche française, extrême ou pas – si tant est que ces nations parviennent à résister à la Commission européenne, dont l’actuel président, naguère organisateur d’évasions fiscales à grande échelle, se pose désormais en défenseur de la probité financière de l’Union. Dans tous les cas, que tout le champ économique et social ne soit devenu qu’affaire et compétition de marchés et de marchandises peut difficilement faire croire que la société française ne serait qu’une vaste communauté fraternelle. Les absentes et absents des grandes manifestations du 11 janvier 2015 l’ont prouvé par la négative.

            L’intolérance monothéiste

Ce qui nous amène à la seconde interrogation, sur la nature et le rôle de la religion. La liberté de conscience, inscrite dans notre constitution, est un acquis de la Révolution. Il y a cependant fort peu d’États totalement laïcs. Le seul qui ait aboli un temps toute pratique religieuse, l’Albanie de Enver Hodja, n’a pas connu un succès durable. L’homme le plus puissant du monde, le président des États-Unis, jure toujours sur la Bible. En Grèce, on sait qu’Alexis Tsipras a manifesté sa rupture symbolique en jurant, pour la première fois, sur la Constitution grecque et non plus sur la Bible – de même qu’il n’est marié que civilement, ce qui n’est possible en Grèce que depuis trente années à peine, le mariage religieux continuant à pouvoir faire fonction d’acte légal à lui tout seul ; et qu’il a refusé pour son gouvernement la bénédiction des hautes autorités ecclésiastiques. Il faudrait d’ailleurs s’interroger sur la signification profondément religieuse du serment – légalement utilisé, en France par exemple, dans les tribunaux d’assises. Sait-on aussi que la charia, la loi islamique si décriée, est appliquée officiellement sur une partie du territoire de l’Union européenne ? C’est en effet l’une des clauses du traité de Lausanne de 1923, qui mit fin à la guerre gréco-turque de 1922 et fixa (presque) définitivement les frontières actuelles de la Turquie : dans le cadre des échanges massifs de populations (un million et demi de Grecs expulsés de Turquie, 400.000 musulmans expulsés de Grèce), il fut convenu qu’une minorité musulmane était autorisée à rester dans la province grecque de Thrace, mais qu’elle relèverait de la loi islamique – non certes quant à la lapidation des femmes adultères, mais pour ce qui touche aux droits d’héritage ou d’adoption. En Grèce toujours, où la très riche Eglise orthodoxe ne paie aucun impôt, la fonction publique fut longtemps réservée aux citoyens de religion orthodoxe – telle que l’établissait la carte d’identité.

Mais il s’agit là des pays démocratiques les plus « éclairés », et on ne citera pas tous ceux où une seule religion est imposée, à l’exclusion de toutes les autres – l’Arabie saoudite, alliée privilégiée de l’Occident, au hasard. Les monothéismes sont par définition les plus intolérantes de toutes les religions, puisque chacun des trois monothéismes, se réclamant du même Livre, prétend détenir la seule Vérité possible, une prétention qui n’a aucun sens dans des sociétés polythéistes. Il est tentant de rapprocher l’idée monothéiste, apparue tardivement au cours du dernier millénaire avant notre ère (ou « avant l’ère commune » comme on dit maintenant, bien qu’elle ne soit pas plus « commune » qu’elle n’est « nôtre » au regard de l’humanité toute entière), avec l’idée d’empire universel, qui émergea concomitamment : un dieu mâle unique est le garant d’un empereur ayant vocation à régner sur l’ensemble du monde. Jusque-là la défaite militaire d’un pays ne signifiait pas que ses dieux n’existaient pas, mais seulement qu’ils étaient moins puissants que ceux du vainqueur.

Si l’on détient la Vérité, la seule vraie Vérité, peut-on tuer ceux qui n’y croient pas, ceux qui ne lui montrent pas de signes de vénération, voire qui s’en moquent ? Notre tolérance occidentale n’a que deux siècles à peine, et encore reste-t-elle fragile. Le chevalier de La Barre, dont le monument commémoratif à Abbeville orne le début de ce texte, défendu à titre posthume par Voltaire, fut accusé, faute de pouvoir prouver qu’il aurait mutilé un crucifix à l’entrée d’un pont, de ne pas s’être découvert devant une procession ; il fut donc torturé selon la « question » et exécuté à vingt-et-un ans en 1766 pour « impiété, blasphèmes, sacrilèges exécrables et abominables ». Récemment, un groupuscule catholique intégriste fort actif a néanmoins vandalisé, 257 ans plus tard, ce monument qui lui était visiblement insupportable – un acte qui s’apparente à une profanation « laïque ». On se souvient des déchainements verbaux des manifestations en France contre le mariage pour tous, et la commémoration récente de la loi Veil sur l’avortement est venue opportunément rappeler leurs sinistres équivalents il y a quarante ans à peine. On sait que le délit de blasphème existe toujours en France, ou plutôt en Alsace-Moselle, héritage des lois bismarckiennes, même s’il n’y est plus réprimé dans les faits. Et que ce délit existe, avec des punitions variables qui vont jusqu’à la mort, dans de nombreux pays du monde : http://end-blasphemy-laws.org/, y compris dans huit des vingt-huit pays de l’Union européenne. L’organisation Reporters sans Frontières a édité en 2013 un dossier documenté et accablant sur les cas connus les plus flagrants, et propose aux responsables religieux de toutes obédiences de signer un texte de tolérance : http://rsf.org/religions/pdf/FR_RAPPORT_BLASPHEME_BD.pdf

Au nom de la religion, des chrétiens intégristes assassinent aux États-Unis des médecins qui pratiquent l’avortement. De même que le fanatique religieux Baruch Goldstein a tué au fusil mitrailleur vingt-neuf musulmans en prière dans le Tombeau des Patriarches à Hébron en 1994, et en a blessé plus d’une centaine d’autres. Et s’il est beaucoup question des morts de la bande de Gaza, que sait-on de l’un des pires génocides de ces dernières décennies, celui toujours en cours par un pays musulman, l’Indonésie, contre la minorité papoue « animiste » et mangeuse de porcs de la partie occidentale de la Nouvelle-Guinée, soit au moins cent mille morts ? Les raisons n’en sont certes pas seulement religieuses, puisqu’il s’agit aussi d’écraser un mouvement indépendantiste et de protéger les intérêts des compagnies minières internationales qui ravagent la région. Un symptôme et symbole éloquent de la mortelle intolérance monothéiste est sans doute le projet du meurtre fondateur du jeune Isaac par son père Abraham, sommé par Dieu de lui sacrifier son propre fils en signe de piété, acte revendiqué par les trois religions.

            La religion comme névrose

En matière de religion, la tolérance passive serait-elle la seule attitude possible, à l’exclusion de toute investigation critique ? Il n’est pas inutile de revenir à Freud, pour qui la religion est clairement une névrose, sinon une psychose : « les doctrines religieuses sont toutes des illusions, on ne peut les prouver, et personne ne peut être contraint à les tenir pour vraies, à y croire. Quelques-unes d’entre elles sont si invraisemblables, tellement en contra­diction avec ce que nous avons appris, avec tant de peine, sur la réalité de l’univers, que l’on peut les comparer – en tenant compte comme il convient des différences psychologiques – aux idées délirantes » (L’avenir d’une illusion). Ou encore : « Pensez au contraste attristant qui existe entre l’intelligence rayonnante d’un enfant bien portant et la faiblesse mentale d’un adulte moyen. Est-il tout à fait impossible que ce soit justement l’éducation religieuse qui soit en grande partie cause de cette sorte d’étiolement ? » (idem). Ou encore : « La technique [de la religion] consiste à rabaisser la valeur de la vie et à déformer de façon délirante l’image du monde réel, démarches qui ont pour postulat l’intimidation de l’intelligence. A ce prix, en fixant de force ses adeptes à un infantilisme psychique et en leur faisant partager un délire collectif, la religion réussit à épargner à quantité d’êtres humains une névrose individuelle, mais c’est à peu près tout » (Malaise dans la culture). 

Certes, sans religion, « l’homme se trouvera dans une situation difficile ; il sera contraint de s’avouer toute sa détresse, sa petitesse dans l’ensemble de l’univers ; il ne sera plus le centre de la création, l’objet des tendres soins d’une Providence bénévole. Il se trouvera dans la même situation qu’un enfant qui a quitté la maison paternelle, où il se sentait si bien et où il avait chaud. Mais le stade de l’infantilisme n’est-il pas destiné à être dépassé ? » (L’avenir d’une illusion). Et pour finir : « C’est pourquoi une religion, alors même qu’elle se qualifie de religion de l’amour, doit être sévère et traiter sans amour tous ceux qui ne lui appartiennent pas. Au fond, chaque religion est une religion d’amour pour ceux qu’elle englobe, et chacune est prête à se montrer cruelle et intolérante pour ceux qui ne la reconnaissent pas » (Psychologie collective et analyse du moi).

Le sinistre paradoxe de l’époque, c’est qu’une religion monothéiste, avec son usuelle intolérance et ce qu’elle véhicule d’aliénation si bien décrite par Freud, l’Islam en l’occurrence, fasse figure de seule idéologie disponible susceptible, aux yeux de populations du Tiers Monde et de populations défavorisées des pays industrialisés, de s’opposer à celle du monde néolibéral globalisé et à son idéal de compétition généralisée entre toutes et tous. Sinistre paradoxe, aussi, que des exaltés manipulés aient assassiné des journalistes et des dessinateurs dont les combats (pacifiques) font bien plus contre l’injustice sociale et politique que les prêches de haine auxquels ils se sont fait prendre pour leur malheur. C’est aussi l’une des conséquences de l’effondrement des systèmes se réclamant du communisme. Et cela est d’autant plus paradoxal que les régimes officiellement islamistes ont une économie libérale très classique, avec son très classique niveau d’injustice économique et d’exploitation. Une partie de ceux qui s’engageaient dans les guérillas sud-américaines des années 1960 rejoindraient sans doute, faute d’autre idéal, le jihad proche-oriental d’aujourd’hui – et on estime que près d’un quart des jihadistes européens et américains sont des convertis. Les plus optimistes sentiront pourtant un frémissement du côté du regain d’intérêt que connaissent à nouveau, dans divers pays, les écrits tiers-mondistes de Franz Fanon et de ses semblables – mais cela reste encore très minoritaire.

            Rire de tout mais pas avec n’importe qui ?

Cela nous ramène au droit au blasphème, mais aussi à la troisième interrogation. On sait qu’un certain nombre d’enseignants ont eu à répondre dans leurs classes à la question : « Mais quelle est la différence entre Charlie Hebdo, dont les dessins antireligieux relèvent de la liberté d’expression, et Dieudonné, dont les « plaisanteries» antisémites sur le génocide juif relèvent des tribunaux ? ». La réponse n’est certes pas difficile puisque dans un cas il s’agit de la critique d’opinions (religieuses), mais dans l’autre du pire crime contre l’humanité qu’ait connu le XXème siècle. Mais si la conviction a souvent été difficile, sinon impossible à emporter pour ces enseignants, c’est que la dérision ou le « blasphème » concernant l’Islam pose deux problèmes culturels. D’une part ce n’est pas la même chose de tourner en dérision sa propre religion historique (le christianisme en Occident) et la religion des autres, anciens colonisés en l’occurrence, même si certains de ces « autres » sont désormais français ; et plus encore si les « autres » en question font partie des classes défavorisées vivant sur le territoire national (voir notre première interrogation).

Si le rire est le propre de l’homme, il n’est pas forcément universel. Il est même totalement culturel, et change selon les classes sociales et les classes d’âge – on ne rit pas de la même façon aux « histoires de Toto » à cinq ans et à cinquante – et les problèmes financiers récurrents de Charlie Hebdo en sont un symptôme. La dérision peut être juste amusante, ou carrément ravageuse. Chez les Papous toujours, mais cette fois dans la moitié orientale de la Nouvelle-Guinée, devenue nation indépendante, un missionnaire protestant fanatique obligea récemment des villageois des Hautes Terres à jeter dans les toilettes leurs objets les plus sacrés, indispensables aux initiations. On connaît les célèbres photographies prises dans la prison d’Abou Ghraib en Iraq, où des soldats américains humiliaient de diverses manières leurs prisonniers iraquiens. On argumentera que traiter avec la même dérision l’islam et la religion catholique est après tout une preuve d’intégration de la première dans notre culture nationale. Comme dit plus haut, la tolérance du christianisme est bien récente, et toujours pas complètement acquise.

Mais pourquoi, et cela mène bien vers la troisième interrogation, mettre Dieudonné en parallèle avec Charlie Hebdo ? On sait que le directeur de la Maison iranienne de la bande dessinée à Téhéran, un certain Massoud Shojai Tabatabai, vient de réitérer, par mesure de rétorsion contre Charlie Hebdo, son sinistre concours de dessins « comiques » antisémites tournant en dérision la Shoah. Lorsque l’Occident, officiellement (encore un peu) chrétien, paraît se moquer de l’Islam, les thuriféraires de l’islamisme radical ne se vengent pas en se moquant du christianisme, de ses saints et de ses croyances, mais répondent en s’attaquant aux Juifs, et plus précisément au génocide des Juifs perpétré par l’Allemagne nazie avec la passivité des autres puissances occidentales.

            De l’usage des boucs émissaires

Les Juifs ont été les boucs émissaires de toute l’Europe chrétienne depuis le Moyen Âge et jusqu’au XXème siècle. Ils ont été spoliés, expulsés, massacrés, à des niveaux d’horreur divers dans tous les pays européens, les derniers pogroms recensés ayant eu lieu en Pologne en … 1946. J’avais rappelé dans un précédent papier comment les « croisades des pastoureaux », jihads à l’envers de l’époque médiévale, avaient jeté sur les routes des bandes de jeunes gens à la dérive qui, faute d’arriver jusqu’à Jérusalem, commettaient divers pogroms contre les communautés juives rencontrées sur leur passage, avant que les troupes royales ne mettent fin à leurs exactions.

Après la Shoah, aboutissement terminal de leur antisémitisme millénaire, les Occidentaux ont sans doute cru se décharger de leur culpabilité en soutenant la création de l’État d’Israël, sans prendre en compte l’ensemble des problèmes que posait cette création – problèmes qui leur reviennent désormais en boomerang. Les Juifs ne sont presque plus des boucs émissaires pour la plupart des autres Européens « de souche », sinon pour les extrêmes droites les plus traditionnelles, même si un antisémitisme persiste à des degrés divers de visibilité dans presque tous les pays européens – chacun s’en est rendu compte un jour ou l’autre. Mais les migrations économiques massives du XXème siècle ont fait surgir de nouveaux boucs émissaires en Europe, dont une partie sont de religion musulmane, thèmes obligés des extrêmes droites européennes les plus en vogue et sources d’agressions antimusulmanes presque quotidiennes, mais au moins rarement mortelles. Et comme chaque groupe humain a besoin de ses propres boucs émissaires, ces populations défavorisées, méprisées et « ghettoïsées » ont pris le relais et fait à leur tour des communautés juives leurs boucs émissaires, en suscitant une phraséologie justificative aussi sinistre que rudimentaire, sur laquelle surfent les opportunismes du moment, prédicateurs, « amuseurs » et autres propagandistes. Reprenant même à leur compte les thèmes les plus éculés de l’antisémitisme européen, tel le faux tsariste Les Protocoles des Sages de Sion, présenté comme authentique par un certain nombre de sites radicaux.

On ne saura jamais si les seuls assassinats de Juifs par le délinquant islamiste antisémite Amedy Coulibaly dans le magasin HyperCasher de la porte de Vincennes auraient suscité la même émotion nationale s’ils n’avaient pas été précédés des assassinats de Charlie Hebdo. L’affaire de Carpentras, il est vrai, avait été suivie de manifestations massives. Celle de Toulouse beaucoup moins, certes en pleine campagne électorale. 

On n’est pas près d’en finir avec les boucs émissaires – pas plus que l’on échappe à sa propre histoire. Ces trois interrogations sont tout sauf nouvelles et n’apportent aucune solution immédiate, si tant est que ces malheurs sociaux et politiques sont profonds et pour longtemps. L’histoire en a connu bien d’autres, mais c’est à ceux-là que nous devons faire face, ici et maintenant, dans notre propre pays.

 

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Quelques nouvelles de l’archéologie en France, pour finir et pour rester dans le passé présent.

Entre pantalonnade et procrastination, le ministère de la Culture, à la suite de la grève massive des archéologues du 2 décembre 2014, toutes institutions confondues, avait décidé de commander un rapport (le quarantième sans doute, depuis le Rapport Soustelle de 1976) sur l’archéologie préventive, cette fois à deux parlementaires, en combinant harmonieusement Femme/Homme, Assemblée Nationale/Sénat, Majorité/Opposition. Las, le sénateur UMP pressenti n’a pas voulu jouer le jeu, et le rapport ne sera confié qu’à la députée socialiste Martine Faure (cf. http://www.cgt-culture.fr/IMG/pdf/2014_12_10_communique_sur_releve_de_conclusion.pdf). Pour la très conservatrice et idéologique direction du patrimoine du ministère (où l’on vient de remplacer l’un peu trop actif sous-directeur de l’archéologie), c’est toujours quelques mois de gagnés. Cette même direction du patrimoine n’a pas non plus été capable de s’opposer préventivement à la fameuse « mesure de simplification » que je dénonçais dans le texte précédent, et qui entend supprimer les sondages archéologiques préalables aux grands travaux d’aménagements, pour les remplacer par de simples et très inefficaces prospections électriques ou magnétiques.

De fait, ce rapport parlementaire annoncé n’aura suivi que de quelques semaines le précédent, déjà signalé, celui du député et ancien ministre UMP Jean-François Lamour (http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/budget/plf2015/b2260-tIII-a10.pdf), lequel insistait fermement sur la nécessité de renforcer le contrôle des entreprises commerciales d’archéologie, face à « une mise en concurrence des fouilles insuffisamment maîtrisée ». Certes, ce contrôle s’est fait un peu plus réel ces derniers mois, avec quelques retraits d’agréments à des entreprises privées d’importance petite ou moyenne, mais le plus souvent sous l’effet d’enquêtes syndicales et non par l’exercice normal du contrôle scientifique qu’auraient dû exercer les services du ministère, services singulièrement passifs, quand certains (rares, certes) de leurs agents n’ont pas été carrément complices de graves manquements. Condamnée par le tribunal de Limoges à publier enfin ses bilans financiers comme la loi l’exige, l’entreprise privée Eveha continue de s’y refuser, et ne s’en voit pas pour autant retirer son agrément, comme la loi le prévoit pourtant.

L’occupation du musée du Louvre, devenu ainsi gratuit pour un jour, par une centaine d’archéologues le 5 février 2015 aura-t-elle la vertu pédagogique de rappeler que le dossier de l’archéologie préventive ne peut être laissé à l’abandon ?

On sait que le projet de loi sur le patrimoine, entrepris par la ministre Aurélie Filippetti, a été intégré par sa successeuse, Fleur Pellerin, dans un projet plus vaste sur « création, architecture, patrimoine ». Indéfiniment reporté depuis trois ans, l’examen est désormais envisagé pour le second trimestre de cette année. Mais le texte n’en est toujours pas stabilisé, et une disposition aussi élémentaire qu’économiquement indolore, la propriété publique du mobilier archéologique (à l’instar de nombreux autres pays européens), n’est toujours pas finalisée – pour ne pas parler de l’encadrement de la concurrence commerciale ou plus exactement de son remplacement par une maîtrise d’ouvrage publique, où le choix de l’intervenant archéologique responsable des fouilles à mener ne soit plus le fait du « marché », mais d’une décision scientifique.

Difficile, lorsque l’on constate les dysfonctionnements de l’État à tant de niveaux, même sur un exemple d’importance moyenne, d’en appeler ensuite au civisme et à la responsabilité des jeunes générations.

 

 

10 Comments

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Pascalreply
29 décembre 2021 at 18 h 36 min

Cher Professeur , avec tout le respect que je vous dois , il me semble que vous usiez d’un postulat non loin des intégristes que vous décriez . Il eut été bon de rappeler , puisque votre domaine le dit lui même, que l’Homme dès la sédentarisation trouve une attache dans la religion, quelle qu’elle soit , jusqu’à s’expliciter sous l’antiquité , celle ci étant inhérente à celui-là . Aussi , le nazisme , le communisme , qui bien que ne croyant pas à un Dieu fondent leurs idéologies sur un idéal , un idéal subjectif ET anthropocentriste . Tout compte fait , Dieu ou Homme , l’Homme cherche ontologiquement une doctrine sur laquelle il s’applique le guidant sur le chemin de la vie et à faire corps socialement. un coup Dieu un coup lui même rite ou sans rite l’Homme s’attachera toujours à une idéologie avec ou sans Dieu . En l’État, que nous le voulions ou non, nous tenons un héritage chrétien qui a révolutionné nos mentalités propageant les vertus nécessaires à faire société ensemble en ce sens que les concepts d’égalité, de charité, de pardon, de fidélité mais aussi de liberté viennent là s’intercaler et cimenter notre civilisation étant absents du monde antique comme vous le savez ou s’arrêtant à telle ou telle école de pensées . Bien que n’étant pas suffisant à étouffer la cruauté humaine il faut à l’image du Droit , différencier la personne physique et morale , la doctrine en tant qu’infaillibilité et l’Homme en tant que faillibilité . Je ne discute pas là en tant qu’influencé mais il est nécessaire de rappeler l’universalité de la chrétienté tenue par l’Église nous a fait évoluer de manière considérable dans nos rapports aux autres puis dans les avancés civilisationnelles en condensant les vérités établies d’une part des philosophes antiques d’avec les religieux chrétiens érudits qui viennent les compléter , améliorer , plagier indépendamment du dogme et de la croyance religieuse . Cela étant , la transcendance religieuse d’hommes et de femmes égaux en Dieu vient serrer le boulon « égalitariste » des hommes entre eux de statuts différents .
Merci pour vôtre livre « La révolution néolithique » bientôt « Les dix millénaires oubliés » ce sont des livres très précieux à mes yeux pour comprendre l’Homme anthropologiquement (si le terme est exact) et le monde dans son évolution, c’est un besoin que j’ai entrepris dans l’objectif rationnel de comprendre le monde et la nature humaine .

Recevez mes salutations respectueuses ,
Pascal

michel piquetreply
10 avril 2015 at 22 h 13 min

Bonjour,

Je ne suis pas aussi sur que vous: que l’anti-islamisme de l’extrême droite française se soit substitue a son anti judaïsme.
Le fantasme est pour l’essentiel anti oriental. Le péril a conjurer: la collusion orientale entre judaïsme corrupteur & islam kalachnikoveur, sur le dos des Gaulois -et même des Germains voire des Grecs. Le flirt avec Poutine, antisémite qui poursuit les Tchétchènes jusque dans les c…, est instructif.Ni le FN ni les Grecs ne vont a Moscou que pour de simples considérations financières…
Au demeurant, la combinaison n’est pas très nouvelle. Les archéologues français en savent quelque chose: qui accompagnèrent leurs collègues SS a Glozel, histoire de démentir une bonne fois le « ex oriente lux ».

michel piquetreply
10 avril 2015 at 22 h 13 min

Bonjour,

Je ne suis pas aussi sûr que vous : que l’anti-islamisme de l’extrême droite française se soit substitué à son anti-judaïsme.
Le fantasme est pour l’essentiel anti-oriental. Le péril à conjurer : la collusion orientale entre judaïsme corrupteur et islam kalachnikoveur, sur le dos des Gaulois – et même des Germains voire des Grecs. Le flirt avec Poutine, antisémite qui poursuit les Tchétchènes jusque dans les c…, est instructif. Ni le FN ni les Grecs ne vont à Moscou que pour de simples considérations financières…
Au demeurant, la combinaison n’est pas très nouvelle. Les archéologues français en savent quelque chose, qui accompagnèrent leurs collègues SS à Glozel, histoire de démentir une bonne fois le « ex oriente lux ».

Michel Pichonreply
10 février 2015 at 1 h 28 min

Je me garderai bien de tenter de débattre de l’impact des religions à Dieu Unique sur le bien public en campant comme un autiste heureux sur une position confortable : j’appartiens à cette sorte d’hommes qui n’envisagent de se rapprocher de Dieu qu’avec la ferme intention de lui flanquer leur pied quelque part. Son omniscience lui permettant d’en connaître les raisons comme d’en redouter les effets, il se tient à la décision prudente de ne pas exister.
Pour l’archéologie préventive c’est différent, je sais qu’elle existe. Mais à quoi sert de compatir si l’on ne peut pas prendre la main de celle qui souffre ? Or trouver la main de l’archéologie préventive semble aujourd’hui une gageure en regard de laquelle le problème de l’existence de Dieu est une amusette. Il faudrait en reparler, de cette petite main qui émerge encore un peu-peut-être plus pour longtemps- de la bouillasse des chantiers.
Les « Café du Commerce » ont toujours revêtu pour moi l’attrait des véritables assemblées nationales. Il ne faut pas mépriser ce qui s’y raconte, c’est le lieu du débat. Les simplismes qu’on y entend se peuvent combattre, au prix d’un peu de courage physique, de clarté dans ses conceptions du monde et de quelques dépenses de campagnes (si le Conseil Constitutionnel vous retoque le prix de la tournée, vous pourrez toujours vous draper dans l’abnégation cirrhotique). Quelqu’un aura-t-il l’audace de me soutenir sans pouffer que ce que l’on entend au Conseil national de la Recherche Archéologique est d’une autre élévation ? Prenez garde, j’ai quelques exemples qui font passer le bistrot du coin pour un cercle de sages. On m’accordera l’argument sur le seul constat, indiscutable, qu’on ne va pas au bistrot pour faire carrière.
Je note la pertinence des analyses de Jean-Paul Demoule, on ne peut qu’être préoccupé de l’état des choses et alarmé de l’étrange paralysie des ministères de tutelle.
Il n’y a, à mon sens, qu’une erreur, qui ne se trouve d’ailleurs pas dans l’article original mais dans la réponse au premier commentaire.
Le pouvoir des agents des SRA du temps de l’AFAN n’avait rien d’imaginaire, il était très concret. On doit dire que ce pouvoir, parfaitement discrétionnaire, s’est exercé bien plus dans le meilleur sens, celui de la création de l’archéologie préventive, qu’au service de moindres projets. Il me semble, mais c’est peut-être une erreur de ma part, qu’à l’intérieur de l’INRAP aussi bien que dans les services de l’Etat, la saison est aujourd’hui plutôt aux moindres projets.

Christian VERJUXreply
9 février 2015 at 11 h 15 min

Cher collègue,
Sans vouloir remettre en cause tes grandes capacités d’analyse, et ton vaste réseau d’informateurs à tous niveaux, il me semble que tes propos ci-dessous, à la limite diffamatoires, nécessitent une véritable argumentation de ta part et des exemples concrets afin d’éviter un discours digne du Café du Commerce…
« Certes, ce contrôle s’est fait un peu plus réel ces derniers mois, avec quelques retraits d’agréments à des entreprises privées d’importance petite ou moyenne, mais le plus souvent sous l’effet d’enquêtes syndicales et non par l’exercice normal du contrôle scientifique qu’auraient dû exercer les services du ministère, services singulièrement passifs, quand certains (rares, certes) de leurs agents n’ont pas été carrément complices de graves manquements. « 

jpdreply
9 février 2015 at 11 h 25 min
– In reply to: Christian VERJUX

Mon cher Christian,
J’ai déjà donné des exemples à plusieurs reprises lors de précédents billets.
La direction du patrimoine du ministère de la Culture les connaît fort bien, diligente de temps à autres une inspection, laquelle est suivie … de rien du tout.
A part de changer de sous-directeur de l’archéologie de temps en temps.
Renseigne toi sur l’état du chantier laissé par l’entreprise privée Archéoloire en Ile de France, avec la bénédiction des agents responsables au sein du SRA.
Ces comportements sont certes minoritaires, heureusement, et je n’ai pas d’informations particulières concernant la région Centre sur ce sujet, et c’est tant mieux. Comme tu le sais aussi bien que moi, il s’agit de quelques agents qui n’ont toujours pas fait, treize ans plus tard, le deuil de l’ancienne « Association pour les fouilles archéologiques nationales » (AFAN), qui leur donnait plus de pouvoir, pouvoir bien imaginaire d’ailleurs. Et ces agents publics en arrivent à s’opposer au service public de l’archéologie, pour ces raisons assez dérisoires.
Cordialement
Jean-Paul Demoule

Lola Bonnabelreply
9 février 2015 at 10 h 02 min

Merci Jean-Paul pour tes analyses aussi pertinentes que stimulantes que nécessaires. Il me parait judicieux de rappeler que toute religion est une aliénation. En outre, il ne faut pas oublier que la religion est encore et toujours question de politique et de pouvoir. C’est un des outils inventés par des minorités pour assoir leur pouvoir sur les majorités, tout comme le capitalisme. Et comme par hasard, le résultat est la stigmatisation des populations musulmanes, qui gonflent les classes populaires, alors même que les catholiques emplissent les rangs de la bourgeoisie française plus ou moins bien pensante.

Bien à toi,

Lola B.

Aubin Jean-Pierrereply
8 février 2015 at 22 h 27 min

Cher collègue,

J’ai fait votre connaissance en lisant votre livre passionnant « Mais où sont passés les indo-européens ? » ce qui m’a conduit à m’inscrire à votre blog. J’ai également appris que vous étiez professeur à Paris I, et ai donc demandé à Georges Haddad, dont j’avais dirigé la thèse à la fin des années 1970, s’il vous connaissait. J’ai appris avec plaisir que c’était le cas, et je n’enhardis donc à saisir l’occasion de la parution de votre dernier article pour vous écrire.

J’adhère totalement à ce que vous avez écrit. Cela rejoint des tentatives mathématiques pour définir des sociétés comme l’ensemble des personnes qui adhèrent à chaque instant à des ensembles de codes culturels, parmi lesquels les codent religieux sont ceux qui évoluent avec la plus grande inertie, ce qui explique leur pérennité. Les hommes rétroagissent sur ces codes culturels et les font co-évoluer, notamment les plus labiles, les moins inertes. Cela n’est pas sans rapport avec l’évolution des langues que vous étudiez dans votre livre.

Je me permets de vous faire part des réflexions que les manifestations du 11 janvier ont déclenché, et qui peuvent compléter les vôtres.

« Caricaturalement », et rétrospectivement, les manifestations de 68 ont signalé un peu partout dans le monde la fin des Trente Glorieuses et du New Deal, déclenchant une révolution silencieuse et diffuse, une dérégulation générale et, par suite, une paupérisation financière, morale et psychologique de la majorité de la population (occidentale, pour le moins).

Celles de 2015 seront-elles le signal de l’inversion de cette courbe « décliniste » de presque 50 ans en redonnant ce moral et cette vigueur dont tous les manifestants exprimaient le besoin, au-delà des lâches assassinats qui les ont déclenchées ?

Dans les deux cas, ce furent des manifestations rares dans l’histoire, spontanées, massives. Lors des années 1960, elles étaient gaies, optimistes, contestataires sur tous les plans, mœurs, politique, économique et culturel, revendiquant un passage du collectif à l’individualisme. Une sorte de critère qui symbolise à la fois un renversement de tendance et un maximum.

En 2015, il ne s’agissait pas de revendications, d’adhésion électorale à tel ou tel homme ou femme politique, ou à telle ou telle idéologie ou religion, mais à quelque chose de plus profond, dont je ne trouve pas le nom, qui n’existe peut-être pas vu sa rareté. Peut-être un nouveau retournement de tendance, mais un minimum, cette fois-ci

Le démarreur de l’un de ces moteurs de l’histoire qui entraîne la psychologie des foules est à chaque fois activé : ceux qui ont rassemblé les participants à la fête de la fédération le 14 juillet 1790, qui ont suivi les funérailles de Victor Hugo, qui ont manifesté leur joie à la libération, débouchant sur la République et la laïcité, pour ne citer que quelques exemples. Ces moteurs « historiques » sont culturels plutôt que « socio-économiques », répartis et transmis dans les cerveaux humains. Ils entraînent des évolutions lentes, durent longtemps, disséminées, invisibles, et difficilement perceptibles, sauf avec le recul historique.

Une fois ces myriades de micro-histoires coagulées, dont la résultante dans la « grande histoire », il est difficile de prévoir l’inversion des tendances des cycles historiques une fois qu’ils sont embrayés, qui s’entremêlent et se chevauchent, dont la durée et l’inertie sont sans doute proportionnelles au nombre de personnes impliquées.

Joseph-Giuseppe Ferrari, a été un des premiers à avoir recherché dans l’histoire des évolutions cycliques que l’on trouve à tous les niveaux de la vie, comme les cycles économiques décelés par Joseph Juglar.

Ce fut le cas en 1968, c’est le cas en 2015. Des millions de nos concitoyens ont appris qu’ils n’étaient pas les seuls à partager quelque chose de commun, mal défini, diffus. Ce sentiment d’adhésion renforce ce quelque chose chez chacun d’entre eux, et, notamment, chez les plus jeunes, sur le long terme. C’est une sorte de « carburant invisible » composé d’un mélange de confiance, d’optimisme collectif, et d’autres composantes de la psychologie des foules nécessaires également à l’activité économique et à la richesse des citoyens.

Ces événements n’ont cependant pas de conséquences immédiates et focalisées. Les leaders qui émergent (Robespierre et la terreur, Napoléon et l’Empire, par exemple), faute de percevoir la nature profonde des changements, peuvent aller, pendant un certain temps au moins, à l’encontre des courants souterrains qui traversent la multitude des individus.

La doxa économique née du mouvement de dérégulation des années 1970 va sans doute perdurer quelque temps, avec ses conséquences désastreuses sur la répartition des richesses et non pas seulement sur les différents indicateurs économiques dont la signification est douteuse. Vingt après les années 1960, les gouvernements ont cédé leur pouvoir aux forces de l’argent qui ont privatisé ce bien public en muselant les banques centrales et dérégulant les règles conçues lors de la phase précédente. Elles ne se laisseront pas faire, mais ceux qui nous gouvernent devront tenir compte du rejet des citoyens qui s’est exprimé.

L’agnostique que je suis voudrait croire à ce miracle.

Bien à vous.

Jean-Pierre Aubin

jpdreply
10 février 2015 at 11 h 03 min
– In reply to: Aubin Jean-Pierre

Cher Collègue,
On aimerait vous suivre dans cette espérance agnostique, dont nous aurions bien besoin. Mais comme je le disais très brièvement, ce n’est pas seulement les quatre millions de présents dans les manifestations du 11 janvier 2015 qu’il faut prendre en compte, mais aussi les absents, et en particulier ceux des « minorités visibles », indice d’une forte fracture dans la société française actuelle. l’hypothèse optimiste s’appuiera sur le fait que les mouvements migratoires ont toujours été finalement absorbés dans l’histoire. L’hypothèse pessimiste est celle que servent tous les courants réactionnaires sous leurs diverses formes, rénovées ou non. Il existe sans nul doute des hypothèses médianes, mais qui demanderont beaucoup de volontarisme politique et social.

Fabrice Martireply
8 février 2015 at 16 h 52 min

Dans tout ça, il me semble que l’on confonde laïcité et syncrétisme religieux, par rapport au triste spectacle donné par les responsables politiques et religieux suite aux attentats de janvier. A part quelques rares athées (Onfray), cette « tendance » composante de la laïcité de la république a été minorée dans les débats médiatiques, voire montrée comme relativement islamophobe par des « intellos grand teint » à prétention gauchiste. La question est : comment est-on passé du débat laïc à des actes de violence sous la bénédiction des « bons dieux », car chaque faction monothéiste ne se réclame plus, par volonté ou ignorance forcée, du même dieu puisque l’application des religions par les hommes est devenue par trop éloignée.
En supposant que Dieu existe, il ne faut pas oublier que « sa parole » est écrite, transmise et déformée par les hommes. Que ce mécanisme a servi de tout temps comme composante de la domination sur la majorité, par des minorité au pouvoir quand c’était nécessaire, permettant de brimer les libertés d’expressions comme la caricature, le pamphlet et nombre de critiques (analyses) du passé, du présent, et de l’avenir proche des sociétés humaines.
Sur les boucs émissaires, je ne reviendrai pas sur les propos de JPD, mais une nuance, dans ce théâtre cynique, il y a ceux à qui on donne la parole par désignation des pouvoirs en place pour montrer qu’on est « laïc » et ceux auxquels on ne permet pas la parole et qui, plus faibles, deviennent aussi les bouc-émissaires d’autres bouc-émissaires, créant encore une sous classe de population (ex le cas des Roms) chez les classes les plus défavorisées (syndrome de Stockholm « social »)..
Il apparait donc que nous payons tous le prix de l’irrespect des pouvoirs sur les individus, que cela se traduise par les tensions sociales, religieuses, la vulgarisation des expressions des extrêmes droites, le renfermement communautaire, l’exploitation de la misère, la désertion éducative…
Et le petit monde de l’archéologie n’échappe pas à cette triste sarabande.
De façon dogmatique et très « bourgeoise », la loi de 2003, introduisant entre autre l’émergence d’un secteur privé pour la réalisation des fouille, est issue de la pensée : « permettons à une poignée (élite auto-proclammée par la force de leur apport financier de départ) de faire du fric sur le dos de ces idéologues d’archéologues ». Résultat, un institut national en faillite si pas de subventions exceptionnelles injectées chaque année, des service de collectivités territoriales mis à mal et qui réduisent leurs effectifs de façon drastique, des boîtes privées qui licencient… Un marché sur le coût du moins (maîtrise d’oeuvre au « casseur-payeur », le choix est simple), une utilisation de la somme des savoir-faire à la vas-comme-je-te-pousse, certains conservateurs confondant leur mission et se comportant comme des petits monarques avec droit de vie et de mort sur tel institut, tel col ter, telle boîte, tel individus, etc, etc …
Effectivement il n’est pas étonnant de voir les pouvoirs politiques dans l’incapacité de gérer une situation comme l’archéologie préventive (par mépris, manque de courage, j’menfoutisme?).

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