Vers une nouvelle réforme de l’archéologie préventive

On trouvera ci-joint le texte signé en juin dernier par une cinquantaine d’archéologues, principalement de l’Université et du CNRS, appelant à une sérieuse réforme de l’archéologie préventive en France. Les défauts et dérives du système actuel ne sont en effet plus à démontrer – le texte précédent de ce blog en ayant relevé un certain nombre. Cet Appel a été remis cet été aux deux cabinets de la Culture et de la Recherche et vient également d’être publié dans la revue Les Nouvelles de l’Archéologie. L’effet en avait été immédiat comme, sans forfanterie excessive, nous avons tous pu le constater dans l’important discours que la ministre de la Culture a prononcé dès le 22 juin dernier à Saint-Rémy-de-Provence à l’occasion des Journées de l’Archéologie (téléchargeable, pour celles ou ceux qui l’auraient manqué sur : 
http://journees-archeologie.inrap.fr/archeologie-preventive/Actualites/Communiques-de-presse/Les-derniers-communiques/Communiques-nationaux/p-14653-Une-riche-villa-antique-revelee-par-la-fouille-de-la-ZAC-d-Ussol-a-Saint-Remy-de-Provence.htm). La presse, et notamment Le Monde, Le Nouvel Observateur et le Journal des Arts s’en sont fait l’écho.

La ministre, dans ce discours, a réitéré le caractère de service public de l’archéologie préventive, et en particulier de l’Inrap,  » opérateur par excellence en matière d’archéologie préventive  » ; elle a annoncé la remise à niveau de la Redevance d’Archéologie préventive (ce qu’avait refusé l’an dernier la précédente majorité parlementaire), et enfin  la mise en place à la rentrée 2012 d’une commission chargé de rédiger, d’ici au premier trimestre 2013, un livre blanc de l’archéologie préventive :  » C’est en s’appuyant sur ce livre blanc que le ministère de la culture proposera au Gouvernement les décisions nécessaires « . Elle a dit également souhaiter une résorption de la précarité des agents de l’Inrap employés en CDD, et l’établissement de passerelles plus effectives entre les différentes institutions archéologiques publiques. Enfin elle comptait organiser, en concertation avec le ministère de la Recherche, les premières rencontres de l’archéologie préventive, envisagées pour les 21 et 22 novembre prochains.

La ministre, dont il faut saluer la détermination, a précisé tout récemment ses intentions dans un entretien publié par le journal Le Monde le 10 septembre dernier (http://www.lemonde.fr/culture/article/2012/09/10/aurelie-filippetti-la-culture-est-le-disque-dur-de-la-politique_1757941_3246.html). Elle y déclare, à propos du projet de loi sur le patrimoine : « Il faut aussi revoir les règles sur l’archéologie préventive, ouverte à la concurrence depuis dix ans. Des entreprises privées se sont mises sur le marché avec des stratégies particulièrement agressives. Nous allons donc rédiger un livre blanc et défendre l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ». La feuille de route est donc claire.

La nouvelle commission sur l’archéologie préventive

La commission annoncée vient d’être créée, sous le nom de « Commission d’évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d’archéologie préventive ». Elle doit être mise en place par la ministre, commencer ses travaux à partir du 5 octobre, et remettre son « livre blanc » avant la fin du mois de mars 2013 au plus tard. Elle comprend 25 membres, à savoir, en ventilant par institutions :

– Conseil national de la recherche archéologique (conseil  présidé traditionnellement par le ministre de la Culture) : son vice-président actuel, Dominique Garcia (professeur à Aix-Marseille, Institut universitaire de France, protohistorien) et deux de ses anciens vice-présidents : Michel Reddé (professeur à l’EPHE, antiquisant) et François Baratte (professeur à Paris IV, antiquisant) ;

– Inspection des patrimoines au Ministère de la Culture : Gérard Aubin (antiquisant), Elise Boucharlat (médiéviste) ;

– Inspection des Finances : Véronique Hespel ;

– Inspection de l’Equipement : Michel Brodovitch ;

– Collège de France : Jean Pierre Brun (antiquisant, ancien directeur du Centre Jean Bérard à Naples) ;

– Inrap : Jean-Paul Jacob (président, antiquisant), Anne Augereau (directrice scientifique adjointe, protohistorienne), Laurence Bourguignon, préhistorienne) ;

– CNRS : Henri Duday (directeur de recherche, anthropologue), Jean Chapelot (directeur de recherche émérite, médiéviste) ;

– Universités : Isabelle Cartron (professeur à Bordeaux 3, médiéviste), Jean-Paul Demoule (professeur à Paris I, Institut universitaire de France, protohistorien, ancien président de l’Inrap), Florent Hautefeuille (maître de conférence à Toulouse 2, médiéviste), Florence Journot (maître de conférence à Paris I, archéologie médiévale et moderne), Martial Monteil (maître de conférence à Nantes, antiquisant) ;

– Archéologues de collectivités territoriales : Anne Pariente (service de la ville de Lyon, antiquisante), Jean Luc Marcy (service départemental du Pas-de-Calais), Luc Bernard (communauté d’agglomération du Douaisis ; ancien directeur d’Archéopole) ;

– Conservateurs régionaux de l’archéologie : Dany Barraud (Aquitaine, antiquisant), Murielle Leroy (Lorraine, antiquisante) ;

– Dirigeants d’entreprises privées d’archéologie : Frédéric Rossi (Archeodunum), Julien Denis (Eveha).

Quant à la composition de cette commission, on remarquera un louable effort de parité (presque un tiers de femmes), une répartition variable des institutions et des disciplines, et qu’elle ne compte que deux des signataires de l’Appel ci-dessous. Mais on notera surtout son caractère pléthorique, tout comme la longueur impartie à ses travaux, puisqu’elle est sensée rendre ses résultats d’ici la fin du mois de mars 2013, soit dans six mois.

Par contraste, on peut rappeler que la commission qui a élaboré le projet de loi de 2001 sur l’archéologie préventive, n’était composée que de trois personnes (Bernard Pêcheur, Conseiller d’Etat, Bernard Poignant, alors maire de Quimper, et moi-même), et a eu quatre semaines pour remettre ses travaux, dans un contexte de crise et avec une situation juridique (notamment l’avis du Conseil de la Concurrence de mai 1998) au moins aussi complexe, tout en auditionnant la totalité des partenaires de l’archéologie préventive.

On peut donc faire deux lectures, pas forcément exclusives l’une de l’autre, de cette commission. La première lecture possible est qu’il s’agit de la méthode de concertation approfondie prônée par le président de la République et le premier ministre, par opposition au quinquennat précédent, et qu’il est préférable de mettre ensemble le plus de partenaires possibles – encore que dans le cas présent il n’y ait de représentants, ni des aménageurs publics ou privés, ni des élus locaux ou nationaux. C’est ainsi que, sur les questions du travail et de l’emploi, les partenaires sociaux, syndicats et Medef, ont été invités par le premier ministre à débattre largement jusqu’à la fin de cette année ; ensuite, le gouvernement devra trancher. Dans le cas présent, le livre blanc devrait faire apparaître la variété des points de vue, mais proposer néanmoins des orientations majoritaires ; et le gouvernement devrait trancher, dans la ligne de la feuille de route tracée par la ministre.

Une lecture pessimiste pourrait en revanche y voir la traditionnelle force d’inertie de la haute administration du ministère de la Culture, qui plus est après dix années passées sous l’ancienne majorité politique. Un dosage subtil entre les partisans d’un grand service public de recherche pour l’archéologie préventive, et quelques opposants notoires, aux motivations d’ailleurs variées, risque d’aboutir à une situation de blocage, donnant l’impression qu’il n’y a pas de consensus au sein de la communauté scientifique et que le statu quo, au bénéfice du doute et de l’archéologie commerciale, serait finalement, faute de mieux, la moins mauvaise solution.

Les vraies questions

Rappelons que la question de l’archéologie commerciale n’est pas celle de la qualité de telle ou telle fouille. On pourra toujours trouver sans problème une fouille archéologique techniquement satisfaisante réalisée par une entreprise privée ; et à l’inverse une fouille insatisfaisante, réalisée par un chercheur de l’Inrap, voire du CNRS ou de l’Université … En outre, nos collègues des Services archéologiques régionaux n’ont pas les moyens techniques et humains de contrôler en détail le déroulement de l’ensemble des fouilles préventives dont ils ont la responsabilité. Par ailleurs, ce ne sont pas les personnes qui sont en cause : c’est faute d’emplois publics suffisants que des archéologues contractuels travaillent dans des entreprises privées ; quant aux responsables de ces entreprises, nul ne songerait à leur faire grief de souhaiter subvenir à leurs besoins.

La question principale, comme elle a pu être constatée dans les pays où l’archéologie commerciale a été mise en place, est celle de l’éclatement des méthodologies et de la documentation, tout comme celle du retard à l’étude et à la publication – précisément ce pour quoi l’Inrap a été mis en place en 2001. De plus, ce n’est désormais plus l’archéologue le plus compétent qui sera choisi pour fouiller un site donné, mais l’employé de la structure la moins chère. A cela s’ajoute évidemment la précarité de l’emploi scientifique, comme on pu le voir lorsque la crise économique a mis au chômage plusieurs centaines d’archéologues privés en Grande-Bretagne, par exemple.

Deux points de vue se sont fait entendre pour, sinon défendre, du moins tolérer l’archéologie privée en France. Le premier, honorable, est celui d’universitaires qui préfèrent voir leurs anciens étudiants employés dans une entreprise privée plutôt qu’au chômage. C’est oublier cependant que la montée en puissance des entreprises privées ne s’est faite que de manière artificielle, en plafonnant autoritairement les effectifs de l’Inrap, au détriment du dogme bruxellois de  » la concurrence libre et non faussée « . Les préfets eux-mêmes, tout comme les services du ministère de la Culture, ont eu l’instruction de favoriser l’émergence et le développement de ces structures.

Le second point de vue est celui de certains de nos collègues des services régionaux de l’archéologie, qui ont vécu comme une perte de pouvoir (symbolique) l’autonomisation de l’Inrap et qui, après avoir mené contre cet institut une assez stérile guérilla au nom de  » l’autorité de l’Etat « , se sont retrouvés paradoxalement à favoriser, par divers procédés, lesdites entreprises privées afin d’affaiblir l’Inrap. Notre collègue Christian Stouvenot, du SRA de Guadeloupe, a fort bien, courageusement et crûment, résumé cette situation dans son commentaire à mon précédent papier sur ce même blog :  » Beaucoup de SRA aiment bien le privé (et ils défendront leur point de vue), car le privé a plus le doigt sur la couture alors que l’Inrap est vraiment trop indépendant du “pouvoir SRA” (http://jeanpauldemoule.wordpress.com/2012/05/23/leurope-et-larcheologie/#comments). Or, dans un certain nombre de cas et même si les preuves écrites manquent souvent, vouloir favoriser peut conduire rapidement au délit de favoritisme – pour en rester à la seule logique commerciale.

La loi de 2001 n’avait fait qu’inscrire deux revendications de longue date de la communauté scientifique : légaliser la contribution des aménageurs aux fouilles préventives (le principe  » pollueur = payeur « ) ; transformer l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (Afan) en institut public de recherche. Mais elle avait aussi institué le principe d’un monopole public pour l’archéologie préventive. Rappelons inlassablement que cette loi a été validée en France par le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat, et que la Commission de Bruxelles a rejeté les plaintes déposées contre elle. La loi de 2003 n’est donc venue que de la volonté politique et idéologique de la majorité politique d’alors. Aujourd’hui, si le constat des faiblesses scientifiques du système actuel de la concurrence commerciale n’est guère difficile à faire, l’essentiel des solutions tient surtout à des questions juridiques et sociales.

La communauté scientifique, mais pas seulement elle, doit donc rester fortement mobilisée. Nous devons, dans les circonstances politiques actuelles, rester résolument optimistes, d’autant que nous demandons moins un supplément de crédits dans une situation de crise budgétaire difficile, qu’une architecture institutionnelle au service de la recherche publique et de sa diffusion. Nous devons donc rester  très attentifs.

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APPEL

L’archéologie préventive doit être réformée ! Appel des archéologues – PDF à télécharger

En 2003, dénaturant la loi de 2001 votée sous le gouvernement dirigé par Lionel Jospin, le parlement et le gouvernement français décidaient, contre l’avis de l’ensemble de la communauté scientifique (et notamment du Conseil national de la recherche archéologique), que l’archéologie préventive ne relevait plus essentiellement de la responsabilité de l’État mais devenait une affaire de « marché », dans le cadre d’une « concurrence libre et non faussée ». Si les diagnostics préalables continuaient de relever de services publics (Inrap et aussi services archéologiques de collectivités territoriales, dont le développement est très opportun) afin, de l’aveu même du ministre de la Culture, « d’en garantir l’objectivité », les fouilles proprement dites sont devenues le lieu d’une concurrence commerciale entre l’Inrap, les services de collectivité et des entreprises privées.

Il est temps près de dix ans plus tard, de dresser un bilan :

1) La concurrence commerciale n’a pas été une demande des aménageurs économiques mais une décision politique émanant de la majorité parlementaire et du gouvernement de 2003, comme le reconnaissait à l’époque le ministre Jean-Jacques Aillagon – alors même que le dispositif de 2001 avait été validé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Commission de Bruxelles.

2) Dans le dispositif législatif actuel, c’est l’aménageur économique qui choisit, avec ou sans appel d’offre selon les cas, l’intervenant archéologique, choix pour lequel il n’a évidemment aucune compétence. Ce dispositif ne peut être pérennisé : l’État doit reprendre la maîtrise d’ouvrage.

3) Si le principe d’une recherche privée n’est pas en soi critiquable dans des domaines où un contrôle de qualité est possible a posteriori, ce n’est évidemment pas le cas de la fouille archéologique qui ne peut être recommencée. Cette situation est aggravée par le manque cruel en moyens humains des services archéologiques régionaux du ministère de la Culture, qui doivent être renforcés.

4) Les employés de ces entreprises privées ne sont pas personnellement en cause. Il s’agit pour la plupart d’archéologues qui n’ont pu trouver d’emploi dans des structures de recherche publiques. Mais ils sont prisonniers d’une logique commerciale qui n’a rien à voir avec celle de la recherche scientifique.

5) Le mécanisme de la concurrence commerciale segmente de manière incohérente entre des intervenants disparates et successifs la chaine de traitement de l’information archéologique et aboutit à ce que les responsables d’une fouille ne sont pas les meilleurs spécialistes disponibles, mais les employés de la structure « la moins chère », comme dans tous les pays qui s’y sont essayés.

6) Le système de financement de l’Inrap, dix ans après sa création, n’est toujours pas stabilisé. En 2011 encore, la majorité parlementaire a refusé une proposition réaliste et argumentée de l’Inspection générale des finances, qui aurait permis de régler ce problème. Ce déficit persistant et voulu, permet d’entretenir artificiellement l’idée que l’Inrap ne fonctionne pas bien.

7) Ce déficit – permanent et entretenu – est, en outre, aggravé par l’absence sur ce dossier du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pourtant cotutelle de l’Inrap avec celui de la Culture. Il doit donc reprendre son rôle en main.

8) Malgré de nombreux résultats spectaculaires que l’on peut mettre au crédit de l’INRAP, la loi de 2003 empêche cet établissement public de remplir sa mission essentielle, prévue par la loi et justification de l’archéologie préventive : sauver le patrimoine de la nation en produisant de la connaissance scientifique pour la restituer auprès du public.

9) La loi de 2003 n’est même pas appliquée dans son intégralité, faute de moyens mais aussi de volonté, alors qu’elle prévoit la remise à l’Inrap, à fins d’étude et de publication, de l’intégralité de la documentation recueillie par les fouilles des entreprises commerciales d’archéologie.

En conséquence, nous demandons :

A) Que soit amendé fortement le principe du « marché » concurrentiel des fouilles préventives, créé artificiellement en 2003.

B) Que soit revalorisée la « redevance d’archéologie préventive » pour qu’elle atteigne le niveau préconisé par le rapport de l’Inspection générale des finances, afin de sortir définitivement de la crise de l’archéologie préventive, et donc des difficultés persistantes avec les aménageurs et les élus – redevance à compléter par une subvention du Ministère chargé de la Recherche, qui doit s’emparer du dossier.

C) Que le maître d’ouvrage, mais aussi le propriétaire des vestiges archéologiques enfouis, soit, comme dans beaucoup de pays, l’État, c’est à dire l’ensemble des citoyens.

D) Que soit renforcée et harmonisée la coopération scientifique entre l’ensemble des institutions publiques de recherche archéologique, Universités, CNRS, Inrap, services régionaux du ministère de la Culture, services archéologiques de collectivités territoriales, dans le cadre par exemple d’un plan pluriannuel de développement.

Premiers signataires (par ordre alphabétique) : Sophie Archambault de Beaune (professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3, ancienne directrice scientifique adjointe au CNRS), Françoise Audouze (directrice de recherche émérite au CNRS, ancienne directrice du Centre de recherche archéologique du CNRS), Alain Beeching (professeur à l’Université de Lyon II), Patrice Brun (professeur à l’Université de Paris I), Joëlle Burnouf (professeure à l’Université de Paris I, ancienne conservatrice régionale de l’archéologie), Anick Coudart (directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de la revue Les Nouvelles de l’Archéologie), Eric Crubézy (professeur à l’université de Bordeaux, directeur de l’UMR 5288), Jean-Paul Demoule (Professeur à l’Université de Paris I, membre de l’IUF et ancien président de l’Inrap), Françoise Dumasy (professeur émérite à l’Université de Paris I, ancienne directrice de l’UFR d’art et archéologie), Roland Etienne (professeur émérite à l’université de Paris I, ancien directeur de l’Ecole française d’Athènes), François Favory (professeur à l’Université de Franche-Comté, ancien directeur scientifique adjoint au CNRS), Jean-Luc Fiches (directeur de recherche au CNRS, ancien sous-directeur du Centre de recherches archéologiques de Valbonne), Stephan Fichtl (professeur à l’Université de Tours), Philippe Fluzin (directeur du laboratoire Métallurgies et Cultures, Université technologique de Belfort-Montbéliard), Henri-Paul Francfort (directeur de recherche au CNRS, président du Comité de l’Archéologie du CNRS), Gérard Fussman (professeur honoraire au Collège de France), Pierre Garmy (ancien conservateur régional de l’archéologie, ancien directeur de l’UMR 5140), François Giligny (professeur à l’Université de Paris I), Christian Goudineau (professeur honoraire au Collège de France, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique), Michel Gras (ancien directeur de l’Ecole française de Rome, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique), Jean Guilaine (professeur honoraire au Collège de France, membre de l’Institut), Xavier Gutherz (professeur à l’Université de Montpellier, ancien conservateur régional de l’archéologie), Augustin Holl (professeur, vice-président de l’Université de Paris-Ouest), Jacques Jaubert (professeur à l’Université de Bordeaux I, ancien directeur de l’UMR Pacea, président de la Société préhistorique française), Xavier Lafon (professeur à Aix-Marseille Université, ancien directeur de l’Institut de recherche sur l’architecture antique), Olivier Lemercier (maître de conférence à l’Université de Bourgogne), Patrick Le Roux (professeur émérite à l’Université de Paris 13), Laurence Manolakakis (chargée de recherche au CNRS, directrice de l’UMR 8215 Trajectoires), Gregor Marchand (sous-directeur de l’UMR 6566 CReAAH, Rennes), Pierre Moret (directeur de recherche au CNRS, Directeur de l’UMR 5608 Traces, Toulouse), Anne Nissen-Jaubert (professeur à l’Université de Paris I), Laurent Olivier (Conservateur au Musée d’Archéologie Nationale), Jacques Pellegrin (directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR 7055, Nanterre), Catherine Perlès (professeur émérite à l’Université de Paris-Ouest, ancienne directrice de laboratoire), Nicole Pigeot (professeur à l’Université de Paris I), Patrick Pion (maitre de conférence à l’Université de Paris-Ouest), Michel Reddé (directeur d’études à l’EPHE, ancien vice-président du Conseil national de la recherche archéologique, ancien directeur des Sciences humaines et sociales au Ministère de la Recherche), Hervé Richard (directeur de recherche au CNRS, vice-président de l’université de Franche-Comté), Pierre Rouillard (directeur de recherche au CNRS, directeur de la Maison de l’archéologie et de l’ethnologie, Nanterre), Valentine Roux (directrice de recherche au CNRS, ancienne directrice de laboratoire), Maurice Sartre (professeur honoraire à l’Université de Tours et à l’Institut universitaire de France, premier président du Conseil scientifique des Rendez-vous de l’Histoire de Blois), Gilles Sauron (professeur à l’Université de Paris IV – Sorbonne), Alain Schnapp (professeur à l’Université de Paris I, ancien directeur de l’Institut national d’histoire de l’art), Philippe Soulier (ingénieur de recherche au CNRS, ancien sous-directeur de l’UMR 7041), Laurence Tranoy (maître de conférence à l’Université de La Rochelle), Boris Valentin (professeur à l’Université de Paris I), Jean-Denis Vigne (directeur de recherche au CNRS, directeur de l’UMR 7209, Museum).

4 Comments

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CNT-CCS-RP-Secteur Archéologie et Patrimoinereply
11 octobre 2012 at 11 h 53 min

Pourquoi la CNT-secteur archéologie est opposée au commerce INRAP-Privé.

La CNT-secteur archéologie ne fera pas volte-face par rapport à ses précédentes positions. Elle a toujours défendu une ligne de Service Public, c’est à dire de mission générale ou une prestation particulière qui est due à tous les citoyens. L’archéologie révèle l’histoire quotidienne de lieux, de groupes humains, de techniques… En l’occurrence, la CNT estime que l’archéologie doit être publique par devoir envers la population. En aucun cas ce patrimoine commun ne doit être la proie de considérations mercantiles.
La CNT est fermement opposée à la loi de 2003 qui introduisit le marché privé et le système concurrentiel, amputant ainsi les services publics de ressources humaines, financières et scientifiques.
Le bilan est catastrophique : outre le devenir dicté par les esprits comptables (du ministère à la gestion des opérations archéologiques), il règne désormais une ambiance morbide et paranoïaque sur le monde de la recherche. Le marché est roi, l’idée scientifique en devient accessoire.
Les conséquences sociales sont dramatiques, le ministère se désengageant de plus en plus, la précarité est reine. Dans le public, après l’échec cuisant du contrat d’activité (CDA), les nervis du ministère inventent au jour le jour des formules comptables visant la réduction de l’activité publique via certains CRA (conservateurs) qui utilisent comme arguments leur perte de souveraineté et l’indocilité des agents de l’INRAP par rapport au privé (les collectivités sont oubliées au passage).
Ces conservateurs, représentants assermentés de la fonction publique, mènent une croisade d’un autre âge et s’enlisent de plus en plus dans le délit d’initié en favorisant officieusement le privé devant les aménageurs pour légitimer de façon paradoxale la souveraineté de l’état (plutôt de leur personne) sur l’activité archéologique au lieu de discuter avec les acteurs publics des choix et des directions à prendre. Il ne faut pas se tromper, c’est bien un complexe de capo-chef qui les motive et non une raison patrimoniale. La loi de 2003 leur ouvre un champ nouveau pour exprimer leur pouvoir basique pesant sur la vie ou la mort d’une activité publique. Cette voie, ô combien facile, est plus largement empruntée que l’on croit. Au lieu de défendre ce pour quoi ils sont assermentés, ils relèguent au second plan la mission de sauvegarde du patrimoine.
Du coté de l’INRAP, la direction, depuis 2001, se transforme en maison de retraite pour archéologues désabusés, coupés de leur mission patrimoniale, et dont le souci principal est de justifier un poste illégitime. Cette contre-activité coûte globalement par ses chaînes de décisions kafkaïennes où chacun veut mettre son grain de sel quand c’est juteux, se défausser en cas de risque.
Cet ensemble de personnes qui ne produit rien mais possède avec une arrogance certaine, s’emploie depuis 2007 à détourner les responsabilités de cette situation sur les archéologues « trop immatures » pour comprendre et décider comme en atteste la création d’échelons supplémentaires de contrôle en Ile-de-France.
La mise en place de bouliers tous neufs très couteux s’inscrit dans la même logique de contrôle, mais va plus loin en instaurant la bidouille institutionnelle des chiffres. Elle investit, avec un zèle peu commun, dans des systèmes de gestion emprisonnant l’activité dans une camisole de force (SGA, à la hauteur du déficit de l’établissement). Elle invente des formules comptables floutant l’activité réelle, montrant à sa hiérarchie l’économie faite sur l’opérationnel et donc sur le dos de l’archéologue. Elle peut, par système trimestriel « glissant » (sauf le dernier à cause de la clôture du budget) freiner à souhait l’activité. En conséquences, moins de budget par trimestre, punition aux inter-régions dépensières, économie de postes CDD (96 en 2011), non-réponse à tous les appels d’offre (moins il y en a moins il faut de bras) ou avec des devis aberrants quand ça arrange, pression sur les administrations régionales qui s’empressent aussi de faire du zèle à leur tour pour plaire et pour leur carrière. Toujours pour plaire, on montre ainsi qu’il y a presque trop d’agents à l’INRAP et surtout des frondeurs, des cossards. On lance des chasses au sorcières (sur les plus faibles) pour bien montrer qu’à l’INRAP on ne tolère pas des amoindris et que obéissant aux dogmes des gouvernants on élague, on ventile 240 ETP CDD sur plus de 600 personnes : effet boule de neige garanti. De fait, l’opérationnel s’en trouve laminé et on crée du chômage de masse que l’INRAP paie par dogme au lieu de transformer du CDD en CDI. C’est pas grave le privé les prendra. Par contre on s’enorgueillie de « plan reconquête aménageur » avec salon de thé pour cercle privé. On se colle de la légion d’honneur. On fait des effets d’annonce alors que la programmation est de plus en plus aléatoire. A ce sujet, les agents se trouvent contre leur gré en « NAF » (non affecté) et on leur colle sur le dos leur fainéantise à coup de ratio ; on parle de jours/homme coincés par des ordres de missions comptables alors que le salaire et l’activité sont garantis par le statut de l’agent. On pourrait en écrire des pages et des pages sur les dysfonctionnements de l’institut dus aux maniaques de la calculatrice libérale, mais là encore un nouveau seuil a été franchi :
La collaboration public/privé !
Non, ce n’est pas si nouveau !!! Outre le recours accru à une externalisation du quotidien favorisant des secteurs privés (suivi chômage…), l’INRAP (administration) loue les services de ses agents (avec une bonne marge) à des Collectivités Territoriales. Là encore c’est un échange entre services publics, même si l’INRAP se sucre allègrement, sinon pas de convention. Cette attitude traduit déjà la volonté de transformer l’institut en agence de moyens, en prestataire de services, en boîte d’intérim, le libéralisme obligeant. La direction n’en a que faire de la chaîne scientifique, les bouliers de service transforment tout en chiffres et en recettes. En février dernier, pourtant Marc Drouet, Sous Direction de l’Archéologie de son état, déclarait devant les syndicats et la direction de l’INRAP « on ne traitera pas de l’Archéologie que par un système comptable », belle annonce vite oubliée car moins d’un an après la direction de l’INRAP s’offre de fournir « le savoir-faire en carence » pour une fouille de la société Archeodunum-SA, et en tant que mandataire, doit éponger, au cas où, les défaillances de Archeodunum-SA. En réalité le problème de la fouille de Magny-Court n’est que le résumé d’une dérive de pouvoir et de négoce. Le SRA Bourgogne manipule pour sa prédominance, l’INRAP fait le commerce d’agents et Archéodunum s’offre une vitrine scientifique sur une fouille de « prestige ». Cette dérive sans précédant montre un zèle manifeste à démolir plus de 30 ans de combat pour une archéologie scientifique soudée par une chaîne opératoire enviée par la communauté scientifique européenne pendant tant d’années.
Il ne faut pas s’y tromper, la CNT s’oppose à la marchandisation et au pouvoir des élites. En aucun cas, nous ne critiquons nos camarades travaillant dans le privé, beaucoup par état de laissé-pour-compte du ministère et peu par vocation.
Ainsi nous demandons que cesse le « marché » de l’Archéologie et l’intégration des salariés du privé dans les structures du public, donnant ainsi à Madame le ministre de la Culture une opportunité sans précédent depuis plus de 30 ans de créer un véritable service public de l’Archéologie libre des spéculations.
La CNT demande une réflexion venant de la base pour qu’elle soit entendue, sur le métier, l’organisation et les salaires car c’est nous qui travaillons, qui produisons et refusons que les problèmes se règlent entre élites autoproclamées.
C’est pourquoi la CNT appelle tous les salariés publics (INRAP, collectivités, CNRS, Université …) et du Privé, à se réunir en AG pour formuler quelle archéologie nous voulons, à combattre le libéralisme et l’égocentrisme de certains.

sudcsireply
5 octobre 2012 at 11 h 05 min

Expression de la section INRAP du syndicat SUD-Culture-Solidaires à propos du texte :
« L’Appel des archéologues – L’archéologie préventive doit être réformée »

Le texte récemment diffusé au sein de la communauté archéologique par différentes personnalités de ce milieu appelle de notre part quelques réactions et commentaires. Dans l’ensemble, notre organisation défend des revendications assez proches de celles de ce texte et ce, depuis la création de sa section syndicale à l’INRAP en 2002 et le vote de la loi de 2003.

Notre section syndicale est en accord avec ce texte sur plusieurs points tandis que d’autres font l’objet de divergences sur le plan de l’analyse ou sur celui des solutions préconisées. Nous souhaitons donc faire part de nos remarques sur chacun des neuf points de constat évoqués par le texte « L’appel des archéologues ». Ceux-ci figurent ci-après en encadré tandis que suivent nos commentaires et des extraits de la plateforme SUD-Culture-Solidaires Archéologie.

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1) La concurrence commerciale n’a pas été une demande des aménageurs économiques mais une décision politique émanant de la majorité parlementaire et du gouvernement de 2003, comme le reconnaissait à l’époque le ministre Jean-Jacques Aillagon – alors même que le dispositif de 2001 avait été validé par le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État et la Commission de Bruxelles.
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La plateforme Archéologie de SUD-Culture-Solidaires spécifiait dans l’un de ses amendements de 2004 :

…[Malgré la mobilisation exemplaire de la quasi-totalité de la communauté archéologique qui a duré d’octobre 2002 (amendement Garrigue) à juillet 2003, d’importants remaniements de la loi de 2001 sont adoptés par le Parlement, essentiellement conduits par des présupposés idéologiques. L’avènement de la «Loi de 2003» ne résulte en définitive que du lobbying d’un petit groupe d’élus et d’aménageurs dont la connaissance de l’archéologie préventive est restée très approximative jusqu’au moment même du vote.]…

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2) Dans le dispositif législatif actuel, c’est l’aménageur économique qui choisit, avec ou sans appel d’offre selon les cas, l’intervenant archéologique, choix pour lequel il n’a évidemment aucune compétence. Ce dispositif ne peut être pérennisé : L’État doit reprendre la maîtrise d’ouvrage.
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Outre le désengagement de l’État qu’elle constitue, cette disposition a encore aggravé les effets de la Loi de 2003 en concédant aux aménageurs la maîtrise d’ouvrage des fouilles préventives. Il est évident que la maîtrise d’ouvrage des fouilles et des diagnostics archéologiques doit incomber exclusivement à l’État.

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3) Si le principe d’une recherche privée n’est pas en soi critiquable dans des domaines où un contrôle de qualité est possible a posteriori, ce n’est évidemment pas le cas de la fouille archéologique qui ne peut être recommencée. Cette situation est aggravée par le manque cruel en moyens humains des services archéologiques régionaux du ministère de la Culture, qui doivent être renforcés.
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Le contrôle scientifique ne peut, en raison de la faiblesse des effectifs des SRA, être mené de façon optimale. Mais il ne s’agit pas, malheureusement, de la seule cause de cette déficience. Une autre raison, et non des moindres, réside dans l’extrême disparité des pratiques et des politiques de prescriptions archéologiques d’une région à l’autre. En corollaire, nous dénoncions en 2004 les dérives de la politique nationale du Ministère qui tendait à limiter le nombre d’opérations archéologiques afin de le rendre compatible avec les capacités d’intervention des opérateurs. Cette circulaire dite de régulation adressée aux SRA ne prenait donc pas en compte au premier chef les menaces de destruction induites par les aménagements mais …les moyens et la disponibilité des opérateurs archéologiques ! SUD-Culture-Solidaires, dans sa plateforme Archéologie, énonçait en 2004 que :

…[ Dès 2004 le ministère de la Culture a adressé une circulaire à ses services visant à ajuster le nombre de prescriptions (circulaire dite de régulation) aux capacités de réalisation des opérateurs présents sur les marchés de l’archéologie préventive :
– marché concurrentiel pour les fouilles,
– marché dit de «monopole partagé» entre l’INRAP et les services des Collectivités pour les diagnostics.
Jusqu’en 2009, dans de nombreuses de régions, cette circulaire a contraint les chefs de service des SRA à réduire notablement le nombre de prescriptions en regard des chiffres atteints en 2003. ]…
…[Cette évolution illustre bien qu’aucun gouvernement n’a eu, à ce jour, de réelle volonté de gérer le patrimoine archéologique. L’archéologie préventive n’est tolérée que pour trois raisons :
– ne rien faire soulèverait des réactions bien au delà de la simple communauté des archéologues professionnels et amateurs,
– se conformer aux Traités Internationaux (Convention de Malte, UNESCO)
– le «marché de l’archéologie» contribue modestement à l’activité économique globale si ses contraintes sont maîtrisées.]…

Et, sur la disparité des pratiques de gestion (imputables aussi bien à l’INRAP qu’aux SRA) :

…[ Ni la loi de 2001 ou ses atermoiements de 2003 n’ont apporté de solutions quant au problème de la balkanisation des Directions inter-régionales. Force est de constater l’extrême disparité de l’application des instructions relatives au fonctionnement interne normalement national de l’établissement. La politique de l’INRAP est fragmentée en autant de chefferies qu’il y a de directions inter-régionales, elles mêmes sous divisées en autant de principautés que d’AST. C’est également le cas des Services Régionaux de l’Archéologie si l’on considère la très grande diversité des pratiques en matière de prescriptions archéologiques, parfois au sein d’un même SRA. Plus grave, de véritables dérives peuvent voir le jour : préférences occultes à l’égard de certains opérateurs ou encore impartialité de façade vis-à-vis des «sacro-saintes» règles de la loyale concurrence.] …

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4) Les employés de ces entreprises privées ne sont pas personnellement en cause. Il s’agit pour la plupart d’archéologues qui n’ont pu trouver d’emploi dans des structures de recherche publiques. Mais ils sont prisonniers d’une logique commerciale qui n’a rien à voir avec celle de la recherche scientifique.
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Notre section syndicale est en accord avec cet examen de la situation de nos collègues des opérateurs privés. Elle a d’ailleurs, pour cette raison, été la première (et est actuellement encore la seule) à constituer des sections syndicales officielles au sein d’entreprises d’archéologie privées.

Extrait de la plateforme SUD-Culture-Solidaires Archéologie de juin 2012 :
…[La loi de 2003 est une réforme purement idéologique d’un gouvernement ultra-libéral qui a eu notamment pour effet désastreux de rompre les nécessaires collaborations scientifiques en cloisonnant les archéologues au sein de structures concurrentielles à la fois privées et publiques. Au lieu d’établir la nécessaire continuité et la cohérence de la chaîne opératoire allant de l’acte de prescription à celui de la publication finale, elle a brisé cette dernière. Il est aberrant que soient mis en concurrence les praticien-nes de l’archéologie. Nous réaffirmons que le patrimoine public est un bien national dont la gestion et l’étude relèvent du service public. Nous remettons totalement en cause l’existence d’opérateurs privés et revendiquons avec force l’intégration des collègues de ces structures au sein du service public de l’archéologie.

Toutefois, leurs salariés n’ont, en général, pas choisi le statut privé de l’employeur. SUD-Culture-Solidaires n’opère donc aucune discrimination entre les archéologues professionnels. Que leur employeur soit une personne morale de droit public ou privé n’influe en rien notre investissement dans la défense des personnels. Archéologues du public ou du privé, CDD ou CDI, nous sommes tous-tes soumis-es à des dérives de nos conditions de travail et à des attaques répétées qui entravent l’élaboration des connaissances scientifiques.]…

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5) Le mécanisme de la concurrence commerciale segmente de manière incohérente entre des intervenants disparates et successifs la chaîne de traitement de l’information archéologique et aboutit à ce que les responsables d’une fouille ne sont pas les meilleurs spécialistes disponibles mais les employés de la structure « la moins chère », comme dans tous les pays qui s’y sont essayés.
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Nous sommes en accord avec ce point (voir plus haut). En outre, nous déclarions en 2004 :

…[Si les objectifs de la loi de 2003 étaient d’obtenir une baisse des coûts (concurrence), une simplification de la procédure (délais) et une émulation scientifique (partage et amélioration des connaissances), ceux-ci n’ont pas été atteints et les effets inverses se sont même produits et sont constatés aujourd’hui. Ils étaient prévisibles et déjà perceptibles, notamment en Grande-Bretagne ou un rapport de la Cour des Lords dénonçait les travers désastreux de l’ouverture au marché de l’archéologie anglaise sous Thatcher, alors qu’on se préparait à suivre le même chemin. Devant cette remarque des délégués de SUD-Culture-Solidaires lors d’une réunion en 2003, le cabinet d’Aillagon répondit : «oui mais nous, on n’a pas essayé…» »]…

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6) Le système de financement de l’INRAP, dix ans après sa création, n’est toujours pas stabilisé. En 2011 encore, la majorité parlementaire a refusé une proposition réaliste et argumentée de l’Inspection générale des finances, qui aurait permis de régler ce problème. Ce déficit persistant et voulu, permet d’entretenir artificiellement l’idée que l’INRAP ne fonctionne pas bien.
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Il n’est pas garanti que la proposition de l’Inspection générale des finances aurait permis de régler définitivement l’instabilité chronique du financement de l’INRAP. Nous considérons, depuis 2003, que :

…[Les nécessités de l’archéologie préventive n’induisent pas forcément un financement au coup par coup qui a toujours été la cause de la grande inégalité des aménageurs devant la loi et une des raisons essentielles des difficultés actuelles et passées. Les effets pervers de ce mode de financement avaient été soulevés par C. Goudineau en 1990 qui préconisait «que les pouvoirs publics disposent du financement global qui leur permettra de développer une politique scientifique et patrimoniale digne de ce nom»1.

Il est nécessaire d’étendre le principe du financement mutualisé des diagnostics aux fouilles. Cela sous-tend également de revenir sur les exonérations (RAP) et les prises en charge (fouilles) de droit. Des promoteurs ont vite appris à tirer profit de ces dispositifs en choisissant délibérément d’installer des aménagements bénéficiant d’une prise en charge lorsqu’ils disposent de terrains à risque archéologique. Les exonérations empêchent de recueillir les volumes financiers suffisants pour les activités archéologiques et ne permettent pas d’alimenter le FNAP à hauteur des besoins. Elles rendent tout système de financement globalisé pratiquement inopérant.]…

SUD-Culture-Solidaires estime que le financement au coup par coup doit être abandonné et qu’un système de financement mutualisé (péréquation) doit être mis en place aussi bien pour les diagnostics que les fouilles préventives. En outre, le recul permet de constater que le principe « casseur-payeur » n’a pas véritablement d’effet dissuasif et n’empêche pas les aménagements de s’implanter – en connaissance de cause – sur des sites déjà recensés qui auraient pu être conservés pour les générations futures.

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7) Ce déficit – permanent et entretenu – est, en outre, aggravé par l’absence sur ce dossier du ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, pourtant co-tutelle de l’INRAP avec celui de la Culture. Il doit donc reprendre son rôle en main.
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Nous partageons ce constat concernant l’absence totale d’implication – à quelque niveau que ce soit – de la co-tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il est également grand temps pour ce dernier de reconnaître enfin que l’archéologie préventive est une activité de recherche scientifique même si elle s’articule avec l’aménagement du territoire plutôt que d’être uniquement induite par des programmes de recherche, auxquels ses résultats sont de toute façon généralement intégrés.

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8) Malgré de nombreux résultats spectaculaires que l’on peut mettre au crédit de l’INRAP, la loi de 2003 empêche cet établissement public de remplir sa mission essentielle, prévue par la loi et justification de l’archéologie préventive : sauver le patrimoine de la nation en produisant de la connaissance scientifique pour la restituer auprès du public.
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Malgré des efforts notables, les publications pour le grand public sont trop peu nombreuses et le travail réalisé est loin de correspondre à ce que l’on est en droit d’attendre d’un établissement public national qui revêt bien évidemment, par delà sa vocation scientifique, une importante dimension culturelle. Si l’accent porté sur la réalisation de nombreuses publications scientifiques doit se poursuivre, il est nécessaire parallèlement d’accroître le nombre de celles destinées au public le plus large.

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9) La loi de 2003 n’est même pas appliquée dans son intégralité, faute de moyens mais aussi de volonté, alors qu’elle prévoit la remise à l’INRAP, à fins d’études et de publication, de l’intégralité de la documentation recueillie par les fouilles des entreprises commerciales d’archéologie.
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La mise en place d’un système concurrentiel ne peut que multiplier les obstacles à la collaboration des chercheurs et favoriser les phénomènes de rétention d’information. La non-remise de la documentation recueillie lors des fouilles par des sociétés commerciales d’archéologie est un de ces avatars parmi tant d’autres.

* * * *

La dernière partie de « l’Appel des archéologues » présente quatre points de revendication :

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A) Que soit amendé fortement le principe du « marché » concurrentiel des fouilles préventives, créé artificiellement en 2003.
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SUD-Culture-Solidaires INRAP considère que le principe du marché concurrentiel des fouilles préventives ne doit pas être « fortement amendé » mais purement et simplement abrogé ! Nos collègues oeuvrant au sein des entreprises commerciales d’archéologie doivent se voir proposer d’intégrer le service public (INRAP et/ou services archéologiques de collectivités territoriales).

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B) Que soit revalorisée la « redevance d’archéologie préventive » pour qu’elle atteigne le niveau préconisé par le rapport de l’Inspection générale des finances, afin de sortir définitivement de la crise de l’archéologie préventive, et donc des difficultés persistantes avec les aménageurs et les élus – redevance à compléter par une subvention du ministère chargé de la recherche, qui doit s’emparer du dossier.
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La redevance d’archéologie préventive doit être réformée au profit d’un fond de péréquation permettant de financer l’activité de fouille préventive et de diagnostic. Le financement au coup par coup doit être une fois pour toutes abandonné afin également de mieux déconnecter l’acte de fouille archéologique des projets d’aménagements. En revanche, il apparaît légitime que le ministère de la recherche puisse contribuer aux travaux de l’institut notamment par une subvention mais aussi par son implication dans le fonctionnement de l’institut.

Extraits de la plateforme SUD-Culture-Solidaires Archéologie 2010 :

…[La mutualisation du risque archéologique, souhaitée par de nombreux aménageurs, apparaît toujours comme l’unique option viable au système actuel. Elle est la seule qui permette d’intégrer réellement la prise en compte du patrimoine collectif dans la politique d’aménagement du territoire]…
…[L’archéologie doit également s’exercer dans un climat serein, stable et surtout, indépendant du pouvoir politique. Elle doit être protégée des réactions «épidermiques» d’élus locaux ou d’aménageurs influents confrontés à une difficulté liée à l’archéologie. La loi républicaine doit s’exercer pour tous de la même façon, indépendamment du statut ou de la fonction des personnes.]…

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C) Que le maître d’ouvrage, mais aussi le propriétaire des vestiges archéologiques enfouis, soit, comme dans beaucoup de pays, l’État, c’est-à-dire l’ensemble des citoyens.
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Le mobilier archéologique issu des recherches constitue un patrimoine public et non une marchandise. Nous remettons également en cause le fait que partie ou totalité du mobilier archéologique soit dévolue au propriétaire du terrain. Ce n’est pas lui mais les générations passées qui ont constitué ces archives du sol.

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D) Que soit renforcée et harmonisée la coopération scientifique entre l’ensemble des institutions publiques de recherche archéologique, universités, CNRS, INRAP, services régionaux du ministère de la culture, services archéologiques de collectivités territoriales, dans le cadre par exemple d’un plan pluriannuel de développement.
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C’est une évidence avec toutefois des réserves concernant un éventuel « plan pluriannuel de développement » qui peut rapidement dégénérer en… « contrat de performance » !

Extraits de la plateforme SUD-Culture-Solidaires Archéologie 2010 :

…[ L’organisation actuelle de l’INRAP, des SRA et des autres services publics d’archéologie doit être revue pour replacer le coeur du métier au centre de celle-ci avec des moyens renforcés qui doivent s’accompagner d’une réelle dynamique de recherche. L’administration a pour rôle de faire fonctionner l’archéologie et non l’inverse ! Le fonctionnement des structures et les politiques qu’elles mènent doivent être transparents et compréhensibles par tous (agents de l’archéologie, aménageurs, élus…etc). Les décisions sont actuellement exercées en toute opacité et en l’absence de contre-pouvoirs et de débats associant véritablement la communauté scientifique.

Plutôt que d’adopter une démarche bien souvent concurrentielle, les opérateurs publics doivent s’inscrire dans un travail en équipe pluri-institutionnelle afin que soit véritablement mise en place une collaboration active pour la mise en commun des données scientifiques et éventuellement des moyens. Dans ce même ordre d’idées, il convient également de veiller à ce que les participants aux unités mixtes de recherches soient sur un même pied d’égalité afin d’empêcher les attitudes de type «mandarinat». En corollaire, les CIRA doivent, comme évoqué plus haut, revoir leur mode de fonctionnement pour aboutir à une meilleure prise en compte de l’avis du responsable scientifique d’une opération et garantir son droit de réponse à l’examen des dossiers le concernant. Les avis de CIRA doivent être systématiquement et rapidement soumis au responsable scientifique afin que celui-ci puisse, s’il le souhaite, émettre ses observations et ses réponses aux questions soulevées par l’examen du rapport dont il est à l’origine.]…

…[Les rapprochements actuels de tous les acteurs de l’archéologie (CNRS, collectivités, Culture, Universités, INRAP, bénévoles et salariés de structures privées) dans des Unités Mixtes de Recherche montrent bien l’unicité de la pratique archéologique]…

Sur la composition de la commission du Livre blanc de l’archéologie préventive

La commission d’évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d’archéologie préventive devrait se mettre en place et débuter ses travaux dès début octobre et remettre son rapport à la ministre de la Culture avant avril 2013. Elle sera composée des 25 membres suivants :

CNRA : Dominique Garcia, vice-président, Michel Reddé et François Baratte (anciens vice-présidents)
Inspection des patrimoines : Gérard Aubin, Elise Boucharlat
Inspection des Finances : Véronique Hespel
Inspection de l’Equipement : Michel Brodovitch
Collège de France : Jean Pierre Brun
INRAP : Jean-Paul Jacob, Anne Augereau, Laurence Bourguignon
Ministère de la Recherche : Henri Duday, Jean Chapelot
Universités : Isabelle Cartron, Jean-Paul Demoule, Florent Hautefeuille, Florence Journot, Martial Monteil
Collectivités territoriales : Anne Pariente, Jean Luc Marcy, Luc Bernard
Conservateurs régionaux de l’archéologie : Dany Barraud, Murielle Leroy
Dirigeants d’entreprises privées : Frédéric Rossi (Archeodunum), Julien Denis (Eveha).

SUD-Culture-Solidaires INRAP estime que la composition de cette commission a été décidée en toute opacité et que l’équilibre entre les différents acteurs de l’archéologie préventive est loin d’être adéquat. On peut remarquer aussi l’absence de la SDA (au niveau central) ainsi que la présence d’acteurs particulièrement hostiles à l’INRAP ce qui est en totale schizophrénie avec les récentes déclarations de la Ministre, à savoir : [« Il faut aussi revoir les règles sur l’archéologie préventive, ouverte à la concurrence depuis dix ans. Des entreprises privées se sont mises sur le marché avec des stratégies particulièrement agressives. Nous allons donc rédiger un livre blanc et défendre l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) »] (discours de Madame Aurélie Filippetti, Saint-Rémy-de-Provence, juin 2012).

Si nous saluons l’initiative d’un débat sur l’archéologie préventive, nous exprimons, en revanche, de très vives inquiétudes quant aux conditions de sa mise en place. SUD-Culture-Solidaires INRAP appelle les personnels de l’archéologie à se tenir particulièrement vigilants et mobilisés pour, si besoin était, rappeler à la Ministre ses engagements et nos revendications pour un véritable service public de l’archéologie.

SUD-Culture-Solidaires, section INRAP, le 2 octobre 2012

Maximereply
23 septembre 2012 at 19 h 01 min

Il serait également nécessaire d’étendre les domaines de l’archéologie préventive aux études de bâti. C’est actuellement une composante très largement absente des prescriptions, qui conduit à la disparition d’une nombre incalculable de vestiges en élévation!

Fabrice Martireply
19 septembre 2012 at 12 h 38 min

Plutôt sympa comme idée, mais je me désole de l’absence des organisations syndicales, du manque d’ambition pour abolir le « marché » (la part privée en moins génère la nécessité du renforcement des services publics…), de la participation des acteurs de terrains… au « livre blanc ». Au sujet de la coopération, on est (presque) tous d’accord mais encore faut-il une véritable envie, une véritable écoute de certaines élites non?
La question d’une ré-organisation et de contre-pouvoir pour les SRA, INRAP, Coll. Ter., etc… Exit, pas droit à un chapitre?
Je ne vais pas monopoliser plus le blog, mais bon, ne serait-il pas plus apaisant d’ouvrir plus le dialogue vers la base? Il y a quelques années des « états généraux » avait été mis en place en préfiguration de la création d’un service public de l’archéologie (AFAN/INRAP…), c’était imparfait, mais bon, il me semble que la démarche avait au moins le vernis démocratique, et que le traîne-poussière ou pousse-cailloux avait au moins l’impression de participer pleinement au « projet.
Fabrice Marti
CNT-CCS-RP

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